Le 14 juin, nous visiterons plusieurs entreprises de médias et remettrons nos revendications aux rédactions en chef. Participe ou joins-toi à nous en route !
Nous nous retrouverons à 8h50 à l’arrêt de tram « Fernsehstudio ».
Le 14 juin, nous visiterons plusieurs entreprises de médias et remettrons nos revendications aux rédactions en chef. Participe ou joins-toi à nous en route !
Nous nous retrouverons à 8h50 à l’arrêt de tram « Fernsehstudio ».
La grève des femmes/grève féministe de 2019 a secoué la branche des médias. En amont déjà du 14 juin 2019, des journalistes de diverses rédactions se sont rencontrées pour discuter de leur travail, du sexisme et de la culture qui règne à la tête des médias. Via le compte «Medienfrauenstreik», femmes et hommes ont partagé sur le hashtag #nowomennonews leurs revendications pour plus d’égalité dans la branche des médias. Une seconde étape a eu lieu en 2020 avec le slogan «more women more news».
Dans le même temps, plusieurs entreprises de presse ont lancé, au moment du déclenchement de la grève ou après, des initiatives pour l’égalité (p. ex. Equal Voice, Ringier, Chance 50:50, SRF ou Diversity Boards SRF, Ringier). Chez Tamedia, la mise au concours des emplois est devenue plus systématique, ailleurs des femmes ont assumé des fonctions dans les fonctions dirigeantes et aux leviers du pouvoir dans la presse (Tamedia, Beobachter, Republik, Watson).
Au cours des quatre années qui ont suivi la grève des femmes en 2019, plusieurs événements sociaux d’envergure ont également eu le mérite d’attirer l’attention sur les femmes et leurs revendications, comme les élections fédérales de 2019, le jubilé des 50 ans du droit de vote des femmes en 2021 et un débat général sur les thèmes de l’égalité et les revendications féministes, au cours duquel certains titres de Tamedia se sont par exemple mis à parler de « féminicides » plutôt que de «meurtres commis par jalousie».
Pourtant, malgré tous ces progrès, il reste encore énormément à faire.
Le cas Finn Canonica et son traitement douteux, mais aussi les accusations de harcèlement à la RTS, à la SRF et dans d’autres médias, tout comme la lettre publique de 78 rédactrices de Tamedia en 2021, illustrent de manière exemplaire à quel point sont encore répandus aujourd’hui le harcèlement, le sexisme, la culture machiste et le mobbing dans la branche des médias.
Des événements majeurs comme la pandémie du coronavirus, la guerre en Ukraine ou, plus récemment, la fusion Crédit Suisse-UBS montrent que les médias consultent rarement les femmes en tant qu’expertes ou spécialistes sur des thèmes pertinents de la politique et de l’économie et que leurs voix ont peu de poids et de place dans de nombreux titres dès qu’un sujet est considéré comme «analytique» ou «complexe».
Les chiffres parlent aussi d’eux-mêmes: en Suisse, les femmes journalistes perçoivent toujours une rémunération inférieure à leurs collègues masculins; ce sont avant tout les hommes qui continuent à être en charge des rubriques « valorisées », comme l’économie et la politique; un nombre extrêmement élevé de femmes quittent encore la branche en raison d’un climat toxique et d’une mauvaise culture de direction; le métier de journaliste reste considéré par beaucoup comme incompatible avec le désir de fonder une famille.
Sans un changement culturel durable et féministe, davantage de femmes dans les fonctions dirigeantes ne suffiront pas à changer la donne.
Un salaire plus élevé pour certaines ne constitue pas un progrès notable si d’autres continuent à être moins bien payées dans la même entreprise.
Une présence accrue de femmes dans les médias reste un simple alibi tant que ces femmes ne disposent pas de l’espace, de la plateforme et du nombre de lignes nécessaires pour s’exprimer sur des sujets importants pour la société. Tant que ces femmes n’influencent pas activement le choix des thèmes et des angles. Et tant que leur expertise n’est pas appréciée à sa juste valeur, sans objection ni dévalorisation.
Nos slogans NO WOMEN NO NEWS et MORE WOMEN MORE NEWS sont toujours d’actualité en 2023, comme ils l’étaient en 2019 et en 2020. Restent également d’actualité un grand nombre de nos revendications dont nous avons suivi avec attention la mise en œuvre ces dernières années et que nous complétons et précisons au fur et à mesure.
Dès lors, dans le contexte de la grève des femmes/grève féministe de 2023, nous, les femmes journalistes, exigeons:
Nous exigeons une meilleure protection contre le harcèlement, le mobbing et tout comportement abusif. Car l’employeur assume une responsabilité juridique à notre égard.
Nous exigeons la fin du racisme, du validisme, de la queerphobie et de l’âgisme. Nous exigeons que les blagues stupides, dites sans penser à mal et de mauvais goût, cessent, tout comme les commentaires condescendants. Nous exigeons des processus internes prédéfinis en cas de harcèlement ou d’agression, lors d’interviews ou pendant des reportages et que les rédactions en chef accordent plus d’importance à notre bien-être et à notre sécurité qu’au prochain grand reportage.
Les dernières années nous l’ont montré: les services de plainte internes ne suffisent pas. Il faut des personnes spécialisées formées, des lignes directrices réglementées, des processus bien rodés ainsi que des cours et formations continues obligatoires pour l’ensemble du personnel. Et nous exigeons un traitement sans faille des incidents et des conséquences concrètes pour les personnes ayant eu un comportement abusif.
L’égalité salariale n’est pas encore réalisée. Et les efforts en ce sens ne devraient pas être répercutés sur les femmes en formulant des remarques tels que «Tu dois mieux négocier». Les femmes ne devraient pas devoir renégocier leurs salaires car elles ont appris par hasard que le collègue ayant une moindre expérience professionnelle gagne tout autant, voire davantage. Cela aussi fait partie d’une culture d’entreprise saine.
Nous exigeons des salaires minimaux équitables et réglés collectivement sous forme d’une CCT à tous les échelons d’embauche – du stage à l’engagement fixe – et la fin d’une culture du stage et du volontariat qui assimile une prétendue expérience de travail à une rémunération équitable. Par ailleurs, nous exigeons des tarifs honoraires contraignants, une valorisation monétaire claire du travail des indépendant-e-s et de mettre un terme à la culture du dumping qui a eu pour conséquence qu’on ne peut pas s’en sortir comme simples freelances. Les salaires et les honoraires d’aujourd’hui sont déterminants pour le niveau de la rente et la situation du revenu des femmes de demain.
Il est clair pour toutes les personnes concernées que la branche des médias est sous pression financière. Néanmoins, il convient d’améliorer les conditions de travail, surtout pour les jeunes en début de carrière professionnelle et en particulier pour les femmes. La raison la plus fréquente invoquée pour abandonner le journalisme est un mauvais équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Cet équilibre est particulièrement mis à mal chez les femmes, qui outre leur activité rémunérée, accomplissent généralement aussi les tâches de soins et de ménage.
Il n’est pas acceptable que le travail rende malades de jeunes femmes journalistes et qu’elles doivent quitter la branche faute de solutions flexibles, comme le travail à temps partiel. Les rédactions doivent parler de santé mentale, de pression à la performance, d’attentes et d’incertitudes.
Nous exigeons une culture d’entreprise où l’individu passe avant le profit, qui n’oblige personne à se décider entre travail et famille, à effectuer des centaines d’heures supplémentaires non payées car «il le faut», et où les besoins individuels sont relégués au second plan.
Se contenter d’engager plus de femmes ne suffit pas. Celles qui sont embauchées doivent obtenir un pouvoir de décision effectif – aux séances, lors du choix des thèmes, pour la réalisation des articles et des comptes rendus. A cet égard, il y a lieu de remarquer que les femmes elles-mêmes peuvent faire partie de structures dysfonctionnelles et adopter elles-mêmes un comportement toxique. Entre autres parce qu’elles se conforment à des organes de direction masculins. Ou parce qu’elles pratiquent elles-mêmes un style de direction socialement incompatible.
Il faut donc une culture de direction qui permette aux femmes non seulement de prendre des décisions au même titre que leurs collègues masculins, mais aussi qui favorise un climat solidaire et où personne ne doit faire ses preuves. Et il faut un service de recrutement qui, lors de l’attribution de postes de cadres, privilégie les valeurs humaines et les qualités de direction plutôt que les bons contacts au sein de la branche.
Le langage et les images, mais aussi le choix de spécialistes et de protagonistes, peuvent relayer et reproduire le sexisme ou d’autres formes de discrimination. Les médias portent à cet égard une lourde responsabilité. Ils marquent de leur empreinte l’opinion public et ont une influence sur la façon dont sont perçus certains groupes de personnes. Les femmes ne sont pas que des personnes minces, à peau blanche et aux longs cheveux blonds – comme on en voit souvent dans les médias. Les femmes sont diverses : jeunes, âgées, queer, de couleur, trans. Et cette réalité devrait être visible dans les médias. Nous exigeons une représentation de cette diversité qui transcende les efforts symboliques. Nous exigeons cette représentation à la fois dans l’image et dans le langage, devant et derrière la caméra, à la radio, dans la presse écrite et en ligne.
Enfin, il convient de supprimer le masculin générique une fois pour toutes.
Et toi, qu’exiges-tu? Réalise un selfie vidéo avec ta revendication et envoie-nous ta vidéo via Instagram sur @Medienfrauenstreik. Nous la posterons sur notre canal Instagram et te taguerons pour que tu puisses partager la vidéo aussi sur ton profil. Notre hashtag pour la campagne de cette année est: #Nowomennonews2023.
Afin de défendre toutes ces revendications et bien d’autres, nous manifestons le 14 juin. Rejoins-nous!
Tout cela ne te suffit pas? Bon, alors imprime ce catalogue de revendications et dépose-le sur la table de ton chef. Affiche-le dans les locaux de pause, distribue-le au repas de midi, partage-le sur les réseaux sociaux. Ensemble, nous pouvons faire la différence et créer une branche des médias équitable, aussi diverse et solidaire que nous le sommes.